I/ Observations

         Nous avons vu qu'un modèle était un miroir de la réalité et que les lois régissant le modèle et l'épidémie étaient semblables. Il est donc évident qu'une connaissance minimum de l'agent pathogène, de sa transmission et de l’histoire naturelle de la maladie sont nécessaires à la modélisation.

Il n'existe pas réellement de méthode permettant la récolte d'information, mais c'est un facteur important, et souvent limitant de la discipline. Nous allons voir dans cette partie les acteurs principaux et les sources qui permettent une connaissance minimale du problème biologique nécessaire à la modélisation.

 


1) Les Facteurs à connaître

 

Facteurs biologiques

            Les épidémies auxquelles nous nous intéressons sont dues à des agents pathogènes*, dont la présence dans l’organisme entraine des symptômes plus ou moins graves. Pour comprendre l’effet d'un agent infectieux dans la population, il est nécessaire de connaître ses caractéristiques. L'histoire naturelle de la maladie regroupe les caractéristiques de son évolution au cours du temps.



            L'histoire naturelle d'une maladie infectieuse est composée de deux aspects : l'aspect clinique, observable, et l'aspect biologique, non observable.

A l'échelle clinique (partie du haut sur le schéma), dès l'instant où le patient est contaminé par le germe, il existe une période d'incubation, c'est à dire une période où l’agent se développe dans le corps humain sans signe observable. Puis apparaissent les symptômes cliniques (fièvre, toux, …).

A l'échelle biologique, on observe que la période de contagiosité démarre pendant la période d'incubation. Il existe une période entre le moment où l'organisme est contaminé et le début de la contagiosité : c'est la période de latence. La contagiosité est effective pendant toute la durée des symptômes et se prolonge parfois quelques jours après leur disparition. L'immunité démarre à la fin de la période de contagion.

La durée de ces différentes périodes peut varier d'un individu à l'autre.

On observe donc que l'individu est contagieux avant l'apparition des symptômes, ce qui signifie qu'il peut contaminer d'autres personnes sans savoir que lui-même est infecté.

 



Chaque maladie a une histoire différente : la période d'incubation, la durée des symptômes, de la contagiosité, le délai d’apparition de l'immunité sont variables ou inexistantes selon la maladie.


Voici quelques exemples :

La tuberculose se transmet par voie aérienne. Cette maladie figure parmi les plus importantes à se transmettre de cette façon.

Après avoir été exposées aux bacilles de la tuberculose, un certain nombre de personnes vont être infectées et environ 10 % d’entre elles vont secondairement développer la maladie. Une grande partie des ces personnes vont la développer dans les premières années suivant l'infection.

Il y a donc une distinction entre infection tuberculeuse (90% des infectés) et maladie tuberculeuse (10% des infectés). La personne avec une infection tuberculeuse ne présente pas de signes cliniques et n’est pas contagieuse.

 

La grippe possède une période d'incubation courte (1 à 2 jours). Elle entraine des symptômes incluant : fièvre, frissons, douleurs musculaires (myalgie), toux  … qui durent environ 2 à 5 jours.

Cette maladie est réputée pour sa forte contagiosité, en effet, une personne infectée en contaminera environ 5 et la période de contagiosité dure 7 jours.

L'immunité de la grippe n'est protectrice qu'à court terme (6 mois-1 an), puisque le virus ne cesse d'évoluer.

 


Facteurs démographiques et géographiques

 

Comment modéliser la propagation d'une épidémie sans connaître les caractéristiques de la population à l'intérieur de laquelle elle évolue ?

Il faut savoir, et nous le verrons dans la partie mathématique, que de nombreux facteurs démographiques sont pris en compte dans les modèles. Ainsi, le taux de contact entre les individus de la population a une grande importance. Il sera également nécessaire de connaître la répartition par âge, par structure familiale, par sexe ... Tout dépendra du modèle et de la maladie auquel il s'applique.

On s'intéressera aussi parfois à la répartition de la population dans l'espace ainsi qu'aux flux de circulation empruntés par celle-ci.

 

 

 

2) Les sources d'informations



            Il faut savoir qu'il n'est pas toujours nécessaire de faire des observations biologiques pour modéliser. En effet, l'ensemble des recherches et avancées médicales déjà réalisées, sont exploitables dans les modèles. 



a) La Littérature médicale

           

Dès les débuts de la médecine, la littérature médicale fut un élément important de celle-ci. Elle recense l’histoire naturelle de nombreuses maladies connues, ainsi que le mode de transmission de celles-ci, leurs symptômes. . .  Il est donc indispensable, avant de modéliser, de connaître l’ensemble de la littérature médicale se rapportant à la pathologie étudiée.

Une des méthodes utilisées pour synthétiser les résultats de plusieurs études traitant du même sujet est la méta- analyse : il s’agit de faire un tri de l’ensemble des articles sur le sujet, pour ne garder que les plus pertinents, et en faire une synthèse.

 


  1. b)Les recherches ponctuelles et les réseaux 


A l'heure actuelle, de nombreuses études épidémiologiques et recherches biomédicales peuvent être utilisées pour créer et développer les modèles. Voici quelques exemples de projets de recherche et de réseaux d'observation de l'évolution des maladies :

 La recherche

La recherche médicale et démographique s’articule principalement autour de projets financés soit par l’état (domaine public), soit par l’industrie pharmaceutique.

Prenons l’exemple de Polymode, un projet visant à recenser le nombre de contacts en fonction de l'âge des personnes rencontrées. Cette étude a permis entre autres de mieux connaître les lieux à isoler pour éviter la propagation d’épidémies (en fonction de l’âge des personnes les fréquentant).

Au niveau européen, une campagne d’observation a été effectuée pour savoir « qui contamine qui ? » (Who Acquires Infection From Whom :WAIFW). Cette étude a été mise en place sous forme d'un questionnaire distribué au hasard dans la population. Les personnes interrogées devaient recencer l'âge de toutes les personnes rencontrées au cours de la journée

On a ensuite pu tracer les graphiques de l'âge des personnes questionnées en fonction de celui des personnes rencontrées. Un point bleu représente des contacts rares alors que les jaunes matérialisent les rencontres fréquentes.

On remarque que jusqu'à 20 ans les enfants et adolescents restent majoritairement en contact avec des individus du même âge, des personnes ayant 30 ans de plus (leurs parents) et d’autres de 60-65 ans (leurs grands parents).

Au delà de 20 ans, le travail et les études entrainent des rencontres plus variées ce qui explique la « tache » jaune au milieu du repère.

 

 


 

 Les réseaux


    L'Institut de Veille Sanitaire (InVS) est chargé par le ministère de la santé de rassembler et de collecter des données épidémiologiques provenant de réseaux de surveillance ou d’études spécifiques pour "surveiller, alerter, prévenir". Les réseaux collaborant avec l’InVS sont par exemple :


        - le RESEEPI (Réseau Sentinelle et d'Etudes Epidémiologiques) est une association loi 1901 dont l'objectif est double :

     *Assurer une surveillance épidémiologique permanente auprès des médecins de ville,

     *Réaliser des études épidémiologiques ponctuelles contribuant ainsi au développement de la recherche tout particulièrement en médecine de ville et plus généralement dans le domaine de la santé.

    Le réseau sentinelle compte actuellement 1326 médecins généralistes libéraux dont 443 contribuent à la surveillance continue.

 

        - le Réseau Grog (Groupe Régionaux d'Observation de la Grippe) a pour buts :

la détermination du début de l’épidémie de grippe et de son évolution,

la prévision de la circulation des virus grippaux,

la surveillance des caractéristiques antigéniques des virus grippaux et de l’adéquation de la composition vaccinale.

 

Ces deux réseaux sont constitués par des médecins et des collaborateurs scientifiques spécialisés dans différents domaine (ex : Surveillance mondiale de la grippe, de la rage, de la dengue, ...)

Ceux-ci envoient via internet leurs données pour renseigner ces réseaux.